Jean-Marie Wynants
L’INSAISISSABLE LÉGÈRETÉ DU MOUVEMENT
Virgilio Sieni et Olga de Soto à la Biennale / Charleroi-Danses invite à découvrir certains artistes avec deux spectacles. Réjouissant.
Un homme qui joue avec l’air contenu dans un ballon. Un autre qui fouette l’air avec les mains et les pieds. Deux images imprimées dans nos souvenirs de cette biennale 2007 de Charleroi-Danses. Deux images qui s’imposent parmi les milliers d’autres qui défilent chaque soir devant notre regard.
Quoi de plus volatile, de plus insaisissable que cet art du mouvement ? Olga de Soto le sait bien, elle qui a beaucoup travaillé sur les traces que la danse laisse dans la mémoire. À la Raffinerie, elle présentait Incorporer ce qui reste ici au cœur, un spectacle en trois parties où tout est basé sur deux éléments indispensables à notre survie : l’air et l’eau.
Dans la première partie, sous l’œil de la chorégraphe, Sylvain Prunenec joue, à la manière d’un grand enfant calme, avec des bouteilles d’eau et des ballons à gonfler. Petites expériences, jeu avec la matière, avec le son, avec l’espace. Tout ici se fait en subtilité, en intimité, en étroite et muette complicité avec le public. Dans la seconde partie, Olga de Soto reprend la main, évoluant sur les traces de son prédécesseur, en livrant les résidus réinterprétés. Derrière elle, silencieusement, Florence Augendre entreprend de verser de la peinture rouge sur les clepsydres dont les bruits d’eau rythmaient la première partie. Le paysage change. Les objets se figent dans un rouge lisse et gluant.
Dans la troisième partie enfin, Edith Christoph qui, durant toute la prestation de la chorégraphe, s’était réfugiée… sous le tapis de danse, prend possession du plateau. Elle n’a rien vu, rien entendu de ce qui s’est passé juste avant. La voici qui surgit vêtue de rouge elle aussi.
Elle rit, titube un peu comme sous l’effet d’un gaz hilarant ou d’un trop brusque apport d’oxygène. Elle joue avec les objets abandonnés sur le plateau, se roule au sol, saute dans les flaques de peinture. Retour au mouvement, à la vitesse, au plaisir, à la transgression jusqu’à l’explosion finale, inattendue et superbe.
D’un coup, le charme se brise. Retour au monde réel. Et l’on constate alors que du début à la fin de ce spectacle atypique, intime et fascinant, on n’a entendu dans la salle aucun grincement de siège, aucun toussotement, pas le moindre froissement d’étoffe. Une qualité d’écoute exceptionnelle démontrant la formidable intensité de ce spectacle. Une intensité que l’on devrait retrouver dans Éclats mats qu’Olga de Soto présentera la semaine prochaine à Charleroi.
(…)
Jean-Marie Wynants, L'insaisissable légèreté du mouvement, Le Soir, 5 Avril 2007