... ruisseau sans début ni fin, qui ronge ses deux rives et prend de la vitesse au milieu.
Tout point d’un rhizome peut être connecté avec un autre, peut importe lequel. Très différent du fonctionnement de l’arbre ou de la racine, un rhizome ne cesse de connecter des chaînons, de produire des nouveaux rhizomes renvoyant à d’autres agencements, à d’autres organismes. Il n’y a pas de points ou de positions dans un rhizome, comme on en trouve dans un arbre ou une racine. Il est fait de multiplicités. Un rhizome peut être rompu, brisé à un endroit quelconque, il reprend suivant telle ou telle ligne, sans cesser de se reconstituer, et de se reconstruire.
Milles Plateaux, Gilles Deleuze et Félix Guattari
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Le langage chorégraphique développé dans le quatuor … des rhizomes… questionne la syntaxe ainsi que la sémantique du mouvement et le sens du langage qu’il sert à élaborer, dans l’abstraction.
Le rhizome est une carte ouverte, connectable dans toutes ses dimensions, démontable, renversable, constamment susceptible aux modifications.
Le travail chorégraphique se nourrit des lignes d’articulation ou de segmentarité, des strates, des territorialités de sens, inhérents aux rhizomes, mais aussi des lignes de fuite par lesquelles ces rhizomes fuient sans cesse. Ces lignes ne cessent de se renvoyer les unes aux autres, elles créent une rupture lorsqu’elles explosent, mais elles servent de par ce geste, à développer et reconstituer le rhizome.
En parallèle, un mouvement de rapprochement de soi prend forme. Du centre vers l’extérieur, et de la surface vers l’intérieur, en traversant des couches, débarrassés des artifices du paraître pour élaborer un langage fait de matière physique, de corps et du regard posé sur celui-ci.
La composition de Michael Jarrell Rhizomes a été une source d'inspiration dans la recherche du mouvement. Cette œuvre, composée entre 1991 et 1993, fait partie de la série développée par le compositeur : Assonances.
Durant le processus de création de la chorégraphie d’autres compositions ont trouvé leurs places et sont devenues partenaires primordiales, notamment la composition de Kaija Saariaho pour violoncelle et électronique Près, composée en 1991, ainsi que la composition de Salvatore Sciarrino All’aure in una lontananza, pour flûte.
Près est divisée en trois mouvements, qui apparaissent dans la structure chorégraphique de manière distincte. Le premier mouvement est concentré sur une texture linéaire, dans laquelle la partition du violoncelle se fusionne par moments aux sons synthétiques. Le développement de ce premier mouvement est parsemé de longues suspensions aboutissant au silence. Ces silences créent et laissent apparaître la notion de cycle à l’intérieur de ce premier mouvement, et de la chorégraphie. Le deuxième mouvement donne forme à une partie très rythmique, une sorte d’ostinato où s’alternent sons graves et harmoniques. Le troisième mouvement sert à développer une section polyphonique, dont les textures se rapprochent par moments du bruit.