WINNSBORO COTTON MILL BLUES

Rouge. Après une lumière douce, la couleur (que l'on doit à Gaëtan van den Berg) détonne. La danse étonne quand les danseuses jouent du mouvement comme les pianistes informent la musique. Le geste déchiffre la partition et donne corps aux mouvements (terme savoureusement commun aux deux expressions artistiques !). D'ailleurs, les bassins qui ondulent au son des cordes frappées ne (dé)montrent-ils pas que la musique vous prend aux tripes, avant tout ?

Francis Cossu, L'été des Hivernales (2/4) : Olga de Soto, La Marseillaise, 19 Juillet 1998

 

Cette musique s'élève comme une vibration tellurique ascensionnelle. Elle naît d'abord dans les jambes des danseuses, puis s'installe "vers" les hanches selon la judicieuse formule de la chorégraphe. De là, le tumulte gagne le buste qui virevolte, les visages qui sourient dans une jouissance communicative ; les bras se courbent et se recourbent dans une clameur qui monte en tourbillons vers un ciel orageux, prêt à éclater sous la pression de ces deux torches humaines. L'impression est un enthousiasme oscillant entre la frénésie et l'éblouissement. Sentiments sont créés par les corps, lianes qu'une main invisible fait tournoyer en volutes et sinuosités, ou se métamorphosant en flammes féminines qu'un zéphyr suave trouble en lignes onduleuses et serpentines.

Jean-Jacques Delfour, Flammes et femmes, CASSANDRE, Septembre-Octobre 1997

 

Winnsboro Cotton Mill Blues, également conçue en 1996, est une pièce qui dégage une énergie libertaire. Pris au piège d’une musique composée par Frédéric Rzewski, à partir d’une chanson chantée par les travailleurs des usines de coton américaines, les corps semblent soumis au rythme imposé par la cadence infernale du travail servile. Mais, peu à peu, leurs mouvements paraissent s’exiler, s’émanciper. La danse se loge dès lors dans le bassin, là où tout se joue, douleur de la domination aliénante et plaisir de la libération espérée. Dans cette succession de tremblements qui agite les corps, entre peurs et jouissances, les déplacements mécaniques laissent advenir de véritables cris, par lesquels s’exposent sans pudeur un érotisme authentique, une extase orgasmique, où s’élabore, comme invincible, la revendication d’un hédonisme philosophique qui nous rappelle la posture d’une exigence de vie vraie, telle que peut la théoriser Michel Onfray dans son Traité sur la Politique du rebelle.

Jean-Marc Lachaud, Skênê n° 2-3, Mélange des Arts — Arts du spectacle, Le corps : exhibition / révélation, 1998

 

Dans Winnsboro Cotton Mill Blues, un duo chorégraphié par Olga de Soto avec Pascale Gigon, il est question d'un rapport de structure avec la partition de Frederic RzewskiLa partition horizontale est traduite à la verticale par les danseuses qui organisent le mouvement à partir du bassin. La musique, elle-même très physique, où l'on entend autant les notes affolées dans un jeu véloce que les accords plaqués des avant-bras sur les deux pianos du duo Albireo, participe à mettre le spectateur dans un état d'écoute maximale. Une rencontre heureuse entre danse et musique contemporaine.

Marie-Christine Vernay, Les Kaléidoscopes de Toulouse, Libération, 3 Décembre 1996

 

Le moment de grâce de cet "été des Hivernales" nous a été procuré par Olga de Soto, une danseuse espagnole établie en Belgique. Qu'elle évolue seule ou en duo (avec Pascale Gigon), son langage, très pur, est un frémissement dans la pénombre, le bruissement de la vie. Ses choix musicaux (des compositeurs contemporains comme Salvatore Sciarrino ou Denis Pousseur) sont d'une rare qualité.

Emmanuèle Rüegger, Les Hivernales d'été, Ballet 2000 n° 43

 

Quant à Olga de Soto, on pourrait la voir et la revoir sans s'épuiser, tant sa danse est musicale. Qu'elle dise un rapport secret dans une quasi-obscurité au plus proche du microscopique, qu'elle éclate en furieux mouvements du bassin sur la musique ravageuse de Frederic Rzewski ou qu'elle murmure solitaire sur une composition de Denis Pousseur, c'est le bonheur. La simplicité alliée au savant.

Marie-Christine Vernay, Le Tour de la danse en un jour, Libération (FR), July 24 1998

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